L’histoire du fleuve sur le Haut-Rhône
À qui donc est ce ruisseau dont nous nous disons les propriétaires, comme si nous étions seuls à en jouir ? N’appartient-il pas aussi bien, et mieux encore à tous les êtres qui le peuplent et qui en tirent leur substance et leur vie ?
RECLUS Élisée, 1882. Histoire d’un ruisseau. Paris, Hetzel.
Le Haut-Rhône
Quel est le rôle de l’Histoire dans les politiques publiques de restauration écologique des cours d’eau ? A travers cette expertise historique, l’histoire du fleuve est retracée des années 1970 à aujourd’hui, en présentant l’évolution des usages au fil du temps et les transformations du fleuve, en fonction des besoins économiques et sociaux des acteurs et des institutions, à différentes époques.
Un film né d’une collaboration entre le bureau d’études AScA et le Syndicat du Haut-Rhône dans le cadre d’un projet de recherche sur la mobilisation stratégique de l’histoire dans le contexte de restauration écologique des cours d’eau.
Le Rhône en quelques mots
Avec ses 812 kilomètres (dont 531 en France), le Rhône est l’un des grands fleuves européens, et plus puissant fleuve de France, avec un débit annuel moyen de 1700 m3/s à son embouchure.
De la genèse des reliefs alpins jusqu’aux changements climatiques actuels, en passant par les glaciations et les nombreux aménagements modernes, le Rhône a connu une histoire mouvementée.
L’évolution du Rhône sur le territoire du Haut-Rhône
C’est surtout à partir du Petit Âge Glaciaire (XIV – XIXe siècles) que le fleuve a développé sa morphologie actuelle. Avec un climat relativement froid et des versants montagneux peu boisés, le bassin versant du Rhône reçoit des sédiments en abondance (cailloux, sables, limons). Ces sédiments sont charriés, brassés par le fleuve et déposés sous forme d’îles allongées : on parle d’un style « en tresses ».
À partir du XVIIIe siècle, des digues sont construites afin de stabiliser des terrains à vocation agricole, d’asseoir des voies de communication et de protéger les habitations proches du fleuve contre les inondations. Petit à petit, le Rhône se trouve enserré latéralement. Aux XIXe et XXe siècles, la déprise agricole affectant les régions montagneuses, les politiques de reboisements en montagne pour combattre le ravinement, ainsi que les extractions massives de granulats dans le lit du fleuve, contribuent à affaiblir la quantité de sédiments circulant dans le Rhône. Les tresses se pérennisent, de petits bras d’eau (les « lônes ») se creusent entre des îles boisées où se développent des forêts alluviales caractéristiques.
A la protection contre les inondations viennent s’ajouter les besoins pour la navigation, en essor au cours du XIX e siècle. Des digues submersibles permettent de stabiliser le lit du Rhône en concentrant ses écoulements en un chenal unique plus facilement navigable, notamment aux périodes de basses eaux. Ces ouvrages perturbent les divagations du fleuve et contribuent à simplifier son tracé.
Depuis les années 50, des aménagements colossaux destinés principalement à la production électrique sont construits à l’échelle de l’axe rhodanien. Le Haut-Rhône est la dernière portion du fleuve à être aménagée au début des années 80.
Ces aménagements reposent sur la construction d’un barrage sur le chenal naturel afin de détourner l’essentiel de l’eau vers un canal artificiel jusqu’à une usine hydroélectrique avant d’être restitué plus à l’aval. Privées d’une part importante du flux d’eau, les portions « naturelles » du fleuve poursuivent leur stabilisation et leur simplification : exhaussement des bancs, déconnexion plus ou moins permanente de nombreux bras secondaires, atterrissement progressif des lônes, assèchement des milieux, perte de l’effet régénérateur des petites crues, etc.
